Le Pont-Neuf présente plusieurs nouveautés remarquables alors : il n'est pas couvert de maisons, comme l'étaient tous les ponts parisiens, et il est pourvu de trottoirs pour les piétons. Son décor a par ailleurs fait l'objet de soins inédits pour un type d'ouvrage en principe avant tout fonctionnel. Sa corniche est ainsi portée par 381 consoles sculptées de mascarons.
Depuis le Second Empire, au fil des campagnes de restauration du pont, les mascarons originaux, trop abîmés ou trop fragiles, ont été déposés et mis en réserve. Plusieurs exemplaires de très grande qualité, dont celui qui nous intéresse ici, sont visibles dans l'une des galeries du jardin du musée Carnavalet.
La barbe et la chevelure bouclée, les yeux profonds, les sourcils en S, les pommettes saillantes, le nez plissé, la bouche entrouverte, la ligne des lèvres en arbalète... le moindre détail du visage, jouant des courbes et contre-courbes et des effets de contraste entre ombre et lumière, lui donne une expressivité saisissante. Cette physionomie de l'excès, du bizarre, du drôle ou du pathétique appartient aux traits du maniérisme qui s'épanouit alors. Elle définit d'ailleurs le mascaron, en le distinguant d'un simple masque plus réaliste.
De fait, si les mascarons du Pont-Neuf sont les portraits des amis et courtisans du roi, comme on l'entend parfois, ce ne sont que des portraits symboliques. Espérons-le en tout cas.